« L’amour dans l’âme »
Christel Mariën
Acte I
Premier tableau, une classe de piano au conservatoire, celle de Victor Trauma
(Monsieur
Victor Trauma : professeur de piano, Amélie, Clovis et Audrey : élèves de Monsieur Trauma ; Monsieur William Pear : professeur de piano)
- Monsieur Victor
Trauma : Non, Amélie. Je ne veux rien savoir. Tu es sensée me jouer cette étude de Stravinsky depuis trois semaines déjà. Tu n’as aucune excuse. Si tu ne me la joues pas la semaine prochaine, de mémoire,
tu ne présentes pas le concours et tes études au conservatoire sont terminées !
- Amélie : Mais Monsieur Trauma, je n’invente rien…
-
Monsieur Victor Trauma : Ça suffit. Clovis, à ton tour, …
- Clovis : Ben, Msieur, c’est que je…
- Monsieur
Victor Trauma : Ah non tu ne vas pas commencer toi aussi, toi mon meilleur élève. Enlève moi ce bandage et joues moi ton étude de Chopin.
- Clovis : C’est
que… Le docteur m’a dit…
- Monsieur Victor Trauma : Tu m’enlèves ce bandage.
- Clovis : D’accord Msieur
- (étude)
- Monsieur Victor Trauma : C’est quoi ces notes qui manquent un peu partout. On dirait un débutant.
-
Clovis : Mais Msieur c’est à cause de mon entorse.
- Monsieur Victor Trauma : Ce n’est pas l’entorse qui oublie de jouer les notes quand même ! Reviens
vendredi avec ton programme au point. Je compte sur toi. Audrey, c’est à toi.
- (étude de Liszt)
- Monsieur Victor Trauma : Ah enfin. Depuis
quand es-tu dans ma classe ?
- Audrey : Depuis deux mois Monsieur Trauma.
- Monsieur Victor Trauma : Ah oui évidement. Tâche
de ne pas imiter tes collègues. On dirait que dès qu’ils passent en seconde année, ils ne veulent plus obéir.
- Audrey : Mais Monsieur Trauma. Ce n’est pas leur
faute s’ils sont blessés.
- Monsieur Victor Trauma : Pas leur faute ?! Mais ils ne sont pas tombés à patins à roulettes que je sache. Ils n’ont pas été
renversé par un tram ni par un camion. Alors qu’ils jouent. Toujours la même excuse : « mon médecin m’a dit que j’avais une tendinite et que je ne dois pas forcer »…
-
Audrey : Il y a deux ans, j’ai eu une tendinite aussi en préparant l’examen d’entrée. Je me suis reposée deux semaines et ensuite j’ai pu rejouer comme avant. Ma copine, elle, tenait absolument à
présenter son concours d’entrée, elle a forcé et a présenté le concours avec succès, mais sa tendinite est devenue de plus en plus invalidante et aujourd’hui elle ne peut plus jouer…
-
Monsieur Victor Trauma : Il y a deux ans dis-tu ? Tu n’as donc pas pu présenter le concours cette année-là ?
- Audrey : Non effectivement. Mais j’ai
complètement guéri au moins et aujourd’hui je peux encore jouer…
- Monsieur Victor Trauma : Mmhm…
- (…)
-
Monsieur William Pear : Incredible ! dit, en entrant dans la classe, un collègue professeur. Tu ne devineras jamais ce qui arrive aux élèves de ma classe.
- Monsieur Victor
Trauma : Ah, les tiens aussi ?!
- Monsieur William Pear : Comment ça les miens aussi ?
- Monsieur Victor Trauma : Oui,
tes élèves ont aussi décidé de ne pas préparer leur concours ?
- Monsieur William Pear : Oh non, bien sûr que non.
-
Monsieur Victor Trauma : Ah tu as de la chance alors, parce que les miens, on dirait un véritable complot.
- Monsieur William Pear : De quel complot parles-tu ?
-
Monsieur Victor Trauma : Oh rien. Ils se sont donné le mot pour ne pas travailler à cause de soi-disant tendinites…
- Monsieur William Pear : Mais enfin, Victor !
Ils n’ont quand même pas tous une tendinite, tes élèves.
- Monsieur Victor Trauma : Deux à la demi-heure, c’est plus qu’il n’en faut.
-
Monsieur William Pear : Deux dis-tu mais ce n’est quand même pas tous tes élèves, ça.
- Monsieur Victor Trauma : Non… Enfin quand je dis deux. Hier,
c’était pareil sauf qu’il y en avait trois et l’avant-veille une de plus…
- Monsieur William Pear : Mais enfin, ce n’est quand même pas contagieux les tendinites ?
Qu’est-ce que tu leur fais aux élèves de ta classe ?
- Monsieur Victor Trauma : William, ne commence pas ! Je ne leur fais rien. Je les fais travailler, un point c’est
tout. C’est notre rôle de professeur quand même !
- Monsieur William Pear : Notre rôle ? Mais ne sois pas si « réductionniste ». Bien sûr
nous les faisons travailler mais notre rôle va bien au-delà quand même…
- Monsieur Victor Trauma : (…) Dis moi plutôt ce qui t’amène dans ma classe.
Qu’ont donc inventé tes chers élèves ?
- Monsieur William Pear : Ah çà, tu ne devineras jamais Victor, jamais.
-
Monsieur Victor Trauma : Oui, oui çà j’avais compris. Alors qu’ont-ils inventé ?
- Monsieur William Pear : Ils ont décidé de devenir
compositeurs-interprètes.
- Monsieur Victor Trauma : Ah bon. Tous ?
- Monsieur William Pear : Oui, tous les dix. Ils se sont concertés
et ont décidé que leur étude au choix, ils la composeraient eux-mêmes en fonction d’une difficulté personnelle qu’ils souhaitent résoudre cette année. C’est tout simplement sensationnel !
- Monsieur Victor Trauma : Sensationnel ? Non mais, c’est absolument n’importe quoi… tout çà pour travailler une étude de moins. C’est la décadence,
c’est fini, la tradition se perd… Vers quel avenir allons-nous ?
- Monsieur William Pear : Mais enfin, Victor, je ne comprends pas. Aucune génération d’étudiants
ne m’a jamais proposé une démarche aussi innovante, aussi personnelle, aussi engagée. Je trouve cela absolument éblouissant. Je les ai vivement félicités et encouragés dans leur projet. S’il le faut,
j’inviterai un compositeur dans la classe pour leur donner l’un ou l’autre conseil. Je sens que nous allons faire du bon travail.
- Monsieur Victor Trauma : Du bon travail, mais ils
te mènent par le bout du nez tes élèves.
- Monsieur William Pear : Je suis là pour les aider à s’exprimer eux-mêmes à travers leur instrument. Je
pense que c’est une superbe occasion de se montrer attentif à les aider à résoudre une difficulté qu’ils sont eux-mêmes conscients de rencontrer dans le grand répertoire et de réfléchir avec
eux sur une façon agréable et créative de travailler cette difficulté. Je vois dans cette proposition une démarche artistique à soutenir, à encourager et de plus, un souci de cohésion au sein des élèves
de la classe, qui témoigne d’un sens du dialogue et de la concertation qui n’existe pas dans toutes les classes…
- Monsieur Victor Trauma : En effet… Mais je suis contre
cette innovation qui va à l’encontre de tous les programmes établis et reconnus depuis des décennies !
- Monsieur William Pear : Victor, je maintiens que cette initiative
mérite d’être encouragée et soutenue. Et quand bien même les élèves de ma classe n’auraient pas le droit de présenter l’examen que je les soutiendrais encore !
-
Monsieur Victor Trauma : Mon pauvre William, tu es devenu fou ! L’examen est tout ce qui motive les élèves à travailler, tout ce pourquoi ils sont là dans notre classe, tout ce qui donne sens à notre
enseignement…
- Monsieur William Pear : Victor, restons en là pour aujourd’hui. Cette une idée révolutionnaire, qui souligne la créativité des jeunes qui
y travaillent en ce moment même. Je les soutiendrai. Et l’examen est loin d’être ce qui motive le plus les jeunes, très loin d’être leur idéal, très loin d’être le sens qu’ils donnent
à leurs nombreuses heures de travail. L’examen ne devient un but que quand il n’y a rien de plus à retirer de l’enseignement reçu que le diplôme qui est à la clé. Mais quand l’enseignement est
lieu de rencontre, de découverte, de dialogue, de véritable progrès, de cheminement vers la réalisation d’un objectif vraiment personnel, alors… peu importe de passer l’examen aujourd’hui ou dans six mois !
Mes élèves sont formidables. Je m’en vais de ce pas chez le directeur pour lui en parler.
- Monsieur Victor Trauma : (en aparté) Pas important les examens, il est devenu complètement
fou…
Second tableau, le bureau du directeur
- Toc, toc, toc
-
Directeur : Entrez
- Monsieur William Pear : Monsieur le directeur (dit-il en lui tendant la main)
- Directeur : Ah mon
cher William, quel bon vent vous conduit jusqu’à mon bureau ?
- Monsieur William Pear : Un très bon vent, Monsieur le Directeur. Excellent même.
-
Directeur : Assoyez-vous. Voulez-vous un café ? Ma secrétaire vient juste de m’en apporter une petite tasse pour me remonter le moral.
- Monsieur William Pear :
Vous remonter le moral, mais que vous arrive-t-il donc Monsieur le Directeur ?
- Directeur : Je suis muté ! Muté à l’opéra.
-
Monsieur William Pear: À l’opéra? Mais… vous êtes un grand contre-ténor. Ne devriez-vous pas vous réjouir de cette mutation ?
- Directeur :
Certes, … Mais depuis mes débuts ici au conservatoire, j’ai pris à cœur cette institution. Avez-vous remarqué comme les étudiants qui entrent ici sont motivés, assoiffés de musique et prêts
à conquérir leur idéal comme un croisé guidé par la passion et la certitude de réaliser sa destinée ? C’est tout un programme de les aider à donner le meilleur d’eux-mêmes, de les
exhorter à un travail exigent, rigoureux en prenant garde de ne pas éteindre leur enthousiasme et surtout, surtout mon cher William, leur personnalité !
- Monsieur William Pear :
Je partage tout-à-fait cet avis, Monsieur le directeur, et crois ne jamais m’en être caché. C’est là la raison même qui me motive depuis vingt-cinq ans à enseigner, bien plus que le piano, la musique, l’art,
la vie d’artistes à ces jeunes qui me choisissent comme professeur, car nous les choisissons certes mais eux aussi, ils font le choix de concourir pour être admis dans notre classe plutôt que dans une autre. C’est tellement important
la complicité, la confiance, la fascination même qui s’établit d’emblée entre un professeur et son élève…
- Directeur : Mon cher William, vous
avez mille fois raison et je vous reconnais bien là. Dites-moi donc ce qui vous a motivé à venir me voir… une bonne nouvelle je crois ?
- Monsieur William Pear : Excellente,
Monsieur le Directeur. Figurez-vous que les élèves de ma classe ont décidé collégialement de se lancer dans la composition.
- Directeur : Les pianistes de votre classe ?
Compositeurs ? Tous ? C’est là une étonnante mais, en effet, bien bonne nouvelle…
- Monsieur William Pear : Qui plus est, ils souhaitent jouer une composition personnelle
lors de l’examen à huis-clos, à titre d’étude au choix.
- Directeur : Excellent. Etonnant mais excellent. Et qui leur a instigué cette subite envie de composition ?
- Monsieur William Pear : Je l’ignore, Monsieur le directeur. Mais les petits exercices improvisés au cours pour résoudre l’une ou l’autre difficulté rencontrée
ont donné l’envie au plus audacieux d’en paraphraser quelques uns. L’un de mes élèves a joué sa paraphrase pour le plaisir à ces camarades, l’idée s’est propagée, et a fini par
faire l’unanimité.
- Directeur : Personnellement, je trouve l’idée remarquable. Toutefois, je viens de vous le dire, je suis muté à l’opéra. Pour
la composition et vos méthodes pédagogiques, vous serez toujours libre de stimuler le talent et la créativité de vos élèves comme bon vous semblera. Je serai, de mon côté, toujours disposé à
vous soutenir en ce sens. Mais en ce qui concerne le programme d’examen, vous devrez en discuter avec mon successeur et soumettre le projet à la commission pédagogique. Vous connaissez la procédure.
-
Monsieur William Pear : Je la connais, Monsieur le directeur. Mais l’examen est dans trois semaines et la commission ne se réunit que deux fois par an et pas avant trois ou quatre mois, je pense…
-
Directeur : Hélas, c’est bien ce que je vous disais. Le défi, le véritable défi dans l’enseignement est de ne pas éteindre l’enthousiasme …
-
Monsieur William Pear : Votre successeur est-il déjà désigné?
- Directeur : Il se pourrait que ce soit l’un de vos collègues choisi en raison de
son ancienneté.
- Monsieur William Pear : Qui donc ?
- Directeur : Probablement Victor Trauma.
-
Monsieur William Pear : (en aparté) Oh non…
- Directeur : Cette nouvelle a l’air de vous troubler…
- Monsieur
William Pear :C’est que…
- Directeur : poursuivez…
- Monsieur William Pear : Je viens de lui faire part de l’idée
révolutionnaire de mes élèves et il ne fait aucun doute qu’il n’approuve pas du tout.
- Directeur : Son enseignement et le vôtre reposent sur des valeurs différentes
mais vos élèves sont différents aussi…
- Monsieur William Pear : Sans doute, Monsieur le Directeur, mais mes élèves ne pourront pas mettre leur projet en œuvre
et ils seront très déçus.
- Directeur : Ils le seront certes mais dites leur de persévérer et je m’engage à venir les écouter dans le cadre d’une
audition de classe. S’ils mettent leur projet à exécution et s’ils réussissent à m’impressionner par leur créativité, je décernerai un prix d’encouragement à l’ensemble de
la classe. D’ailleurs puisque vous m’en donnez l’idée, je ferai une tournée d’adieu dans toutes les classes, et je décernerai ce prix à la classe qui aura fait montre de la plus grande créativité
artistique.
- Monsieur William Pear : Je ne suis pas très concours, vous le savez bien. Mais pour le fun et surtout pour le plaisir que les élèves auront à jouer leurs compositions
en votre présence, nous organiserons l’audition en ce sens. Merci Monsieur le Directeur.
- Directeur : De rien, Mon brave William. Tenez moi au courant.
-
Monsieur William Pear : Je n’y manquerai pas. A bientôt, Monsieur le Directeur et bravo pour votre promotion !
- Directeur : Merci, merci.
-
(poignées de mains et sortie de Mr William Pear du bureau du directeur)
Acte 2
Le deuxième acte se déroule dans une polyclinique où consultent alternativement différents médecins.
Troisième tableau, un cabinet médical, celui du Docteur Malentendu
(Une infirmière ; le Docteur Malentendu ; Clovis Dujardin)
- Infirmière : Clovis Dujardin. Le docteur Malentendu
vous attend. Par ici.
- Clovis Dujardin : Je vous suis. Mademoiselle, s’il vous plaît, le médecin reçoit-il souvent des musiciens ?
-
Infirmière : de temps en temps je suppose. Pourquoi cette question ?
- Clovis Dujardin : parce que je suis pianiste.
- Infirmière :
posez-lui toujours la question mais, ceci-dit, il n’aime pas trop les questions…
- Clovis Dujardin : ah bon, pourquoi ?
- Infirmière :
il n’a pas le temps, je crois. Il est débordé.
- Infirmière : Toc, toc, toc Monsieur Clovis Dujardin est arrivé… C’est un musicien.
-
Docteur Malentendu : Bonjour asseyez vous.
- Clovis Dujardin : Bonjour docteur, Je suis venu vous voir parce que…
- Docteur Malentendu :
Vous êtes musicien, mon infirmière vient de le dire. De quel instrument jouez-vous ?
- Clovis Dujardin : Du piano. En fait, je suis étudiant au conservatoire et
-
Docteur Malentendu : vous avez une tendinite, je suppose ?
- Clovis Dujardin : Je ne sais pas docteur, c’est pour cette raison que je suis venu vous voir car j’ai
un examen à préparer pour dans trois semaines et…
- Docteur Malentendu : de toute évidence, vous n’êtes pas fait pour ce métier. Changez d’orientation,
c’est un conseil d’ami.
- Clovis Dujardin : Mais pourquoi dites vous ça ? Vous ne m’avez jamais entendu jouer.
- Docteur
Malentendu : Vous souffrez d’une tendinite après … Au fait en quelle année êtes vous au conservatoire ?
- Clovis Dujardin : C’est déjà
ma deuxième année. Il y avait un concours d’entrée et si je n’étais pas fait pour çà, je n’aurais sûrement pas été sélectionné par le jury.
-
Docteur Malentendu : Une tendinite, en 2e année, changez d’orientation. J’en ai vu des musiciens, croyez moi. Tous les mêmes, tous persuadés qu’ils vont faire carrière mais dès qu’ils
ont un examen à préparer, un concert important en vue, leur tendinite revient et ils renoncent ou ils jouent mais cela va de mal en pis.
- Clovis Dujardin : Pas toujours ! Audrey,
une élève de ma classe a souffert d’une tendinite déjà et maintenant, elle est complètement guérie !
- Docteur Malentendu : Possible,… Mais
elle a certainement cessé de jouer pendant un certain temps.
- Clovis Dujardin :C’est vrai, elle s’est arrêtée deux semaines.
-
Docteur Malentendu : Un cas n’est pas l’autre mais si vous ne changez pas votre façon de travailler, la tendinite reviendra.
- Clovis Dujardin : Mais que dois-je
faire pour me soigner ? et puis d’ailleurs, vous ne m’avez pas encore examiné. Ai-je seulement bien une tendinite ?
- Docteur Malentendu : Que dites-vous ? Vous mettez
en doute ma compétence professionnelle. Mais je vous examine depuis que vous avez franchi le seuil de mon bureau. Vous êtes pianiste, vous souffrez d’une tendinite et en dehors du repos et de l’annulation de votre examen, je ne peux
rien faire de plus pour vous, si ce n’est vous redire de changer d’orientation, ce sera préférable pour vous. D’ailleurs pourquoi tenez-vous à devenir musicien ?
- Clovis Dujardin :
On ne devient pas musicien Monsieur, on est musicien ! Et que cela vous plaise ou non, je ne me réorienterai pas. Mon professeur me dit que je suis son meilleur élément et sans m’avoir jamais entendu, vous me reléguez
aux oubliettes. Vous ne comprenez rien à mon problème. J’étais venu chercher de l’aide et je repars plus démuni qu’en arrivant. Changez d’orientation, je vous restitue votre conseil !
-
Docteur Malentendu : Voici votre attestation mutuelle. Vous paierez mes honoraires à ma secrétaire.
- Clovis Dujardin (lui arrachant le document des mains, sur un ton fâché) :au
revoir !
- Docteur Malentendu (sur un ton qui signifie « comme vous voudrez ») : au revoir.
Quatrième tableau, un second cabinet médical, celui du Dr Solami
(Docteur Solami ; Amélie)
-
Docteur Solami : Bonjour Amélie. Entre je t’en prie.
- Amélie : Bonjour docteur.
- Docteur Solami : Je t’écoute
Amélie. Tu as bien triste mine aujourd’hui…
- Amélie : La dernière fois que je suis venue, vous m’aviez dit qu’avec ma tendinite, il valait mieux que je
repose mon avant-bras…
- Docteur Solami : C’est exact. Je m’en rappelle très bien. Tu souffres toujours autant ?
- Amélie (tombant
subitement en larmes) : ce n’est pas tellement ça, monsieur le docteur. C’est que… enfin, je veux dire… ma douleur va mieux. C’est moins rouge aussi. Et puis, je suis allée chez le dentiste comme vous
me l’aviez dit. Vous aviez raison, j’avais une grosse carie. Le dentiste m’a dit que j’avais un très bon médecin, que parfois une infection peut se propager à partir d’une dent mal soignée. Et en fait,
je vais mieux, nettement mieux, seulement (là elle pleure à nouveau)
- Docteur Solami : Allons, (là il lui tend une boîte de mouchoirs), dis moi ce qui te
chagrine aussi fort…
- Amélie : Je dois présenter mon examen de piano dans trois semaines et à cause de ma tendinite, je ne suis pas du tout prête !
-
Docteur Solami : tu en as parlé avec ton professeur ?
- Amélie : Justement oui. J’avais cours ce matin. Il ne veut rien savoir. Et si je ne suis pas prête
la semaine prochaine, je serai exclue du conservatoire. C’est une catastrophe. Je ne peux pas jouer Stravinsky la semaine prochaine. Je peux rejouer c’est vrai mais pas encore très longtemps. Je ne voudrais pas que ma tendinite revienne.
- Docteur Solami : Effectivement, il faut à tout prix éviter une rechute. Mais es-tu obligée de beaucoup jouer pour apprendre cette étude ?
-
Amélie : Oh, oui. Elle est assez virtuose et demande beaucoup d’énergie. Je ne peux pas la jouer sans la travailler beaucoup, vraiment beaucoup.
- Docteur Solami : Je
comprends. Mais ton professeur, que propose-t-il comme solution ?
- Amélie :…
- Docteur Solami : Il doit en avoir rencontré
d’autres des élèves qui ont souffert de tendinites. Peut-être en a-t-il lui-même eu personnellement…
- Amélie : ça je ne crois pas car il ne veut
rien entendre. Mais Clovis, l’élève le plus brillant de la classe en a une aussi cette semaine et Monsieur Trauma s’est fâché sur lui aussi. Il l’a obligé à ôter son bandage et à jouer
son étude de Chopin !
- Docteur Solami : Ah bon… Et à part Clovis et toi, les autres élèves de la classe comment vont-ils ?
-
Amélie : La moitié de la classe a une tendinite pour le moment. C’est forcé avec les nombreuses heures de travail pour préparer l’examen.
- Docteur Solami :
Je ne comprends pas très bien. Le reste de l’année, quand ce ne sont pas les examens, vous jouez aussi quand même…et vous n’avez pas de tendinite.
- Amélie :Non
mais on ne joue pas aussi longtemps. Ici, il faut que tout le programme soit tip top pour dans trois semaines.
- Docteur Solami : Tu joues plusieurs heures d’affilée ?
-
Amélie : Oui, bien sûr (dit-elle en riant)
- Docteur Solami :Et les autres élèves aussi, j’imagine… Mmm. Je ne suis pas certain que tu pourras
présenter l’examen aussi brillamment que tu le voudrais dans trois semaines mais il n’est pas très bon pour les tendinites d’intensifier brusquement les heures de travail… Il faut une progression, un équilibre…
Mais pour gérer l’urgence, je te propose d’étudier ton étude de Stravinsky au fauteuil, sans piano.
- Amélie : Sans piano ? Mais vous n’y pensez pas.
- Docteur Solami : Je suis très sérieux. Tu as des cours d’analyse musicale ?
- Amélie :oui
-
Docteur Solami : des cours d’harmonie ?
- Amélie :oui
- Docteur Solami : et bien, ce soir, tu vas analyser ta
partition, et tu vas te représenter mentalement l’architecture de ton étude sans la jouer. Et demain, tu reviendras me voir. Tu veux bien essayer ?
- Amélie : D’accord.
- Docteur Solami : Et bien alors, on se voit demain à 10h30.
- Amélie : A demain, docteur. Merci.
Cinquième
tableau, le cabinet du docteur Solami le lendemain à 10h30
(Docteur Solami, Amélie)
- Docteur Solami :
Alors, ce Stravinsky ?
- Amélie : J’ai fait comme vous m’avez dit. Je n’ai pas joué et j’ai étudié l’architecture de l’oeuvre, j’ai
repéré les passages qui se ressemblent et les variations. La partition me paraît déjà moins insurmontable qu’hier.
- Docteur Solami : Très bien. Apprivoiser
une œuvre est indispensable pour se sentir prêt à la jouer. As-tu repéré quelques cadences ?
- Amélie : Les principales je crois.
-
Docteur Solami : Très bien. Ton professeur t’a-t-il imposé des doigtés ?
- Amélie : Quelques uns.
- Docteur
Solami : D’accord, et bien alors cet après-midi, tu écriras le doigté de chaque note, tu entends, pour chacune des notes sans exception tu indiqueras le doigté sur la partition sans t’aider du clavier.
- Amélie : Et ensuite, vous me demanderez de jouer dans ma tête, n’est-ce pas ?
- Docteur Solami : Exactement. Tiens, tu me
donnes une idée. (A ce moment, il se dirige vers sa bibliothèque et en revient avec un livre de poche qu’il tend à Amélie) » « L’homme qui marchait dans sa tête »
Patrick Segal, je te le prête. Tu me le rendras quand tu l’auras lu.
- Amélie : Oh merci Docteur Solami. Quelle chance que vous soyez musicien ! Même mon professeur me laisse
dans l’embarras sans m’aider à surmonter cette épreuve, et vous, vous me préparez pour mon examen.
- Docteur Solami : Non Amélie. Ce n’est pas à ton
examen que je te prépare. Peu importe le résultat de ton examen. Mais ces quelques suggestions sont des pistes que tu pourras exploiter à ta guise plus tard , comme une corde de plus à ton arc, rien de plus mais rien de moins
non plus….
- Amélie : Merci docteur, je crois que j’ai compris. Je reviendrai vous donner des nouvelles…
- Docteur Solami :
dans trois semaines ?
- Amélie : Promis.
- (et là, ils se disent au revoir et Amélie quitte le cabinet)
Acte 3
Sixième
tableau, le jour de l’examen
(Monsieur Victor Trauma, Monsieur William Pear, Amélie, Clovis Dujardin, Audrey, Tristan, Juliette, le directeur)
(Effervescence
oblige, élèves et professeurs des différentes classes de piano se retrouvent à la sortie de la grande salle à l’issue de l’examen, en attendant le verdict du jury)
-
Monsieur Victor Trauma : Alors William, qui avait raison ? Le programme a bien dû être respecté. J’en étais absolument certain.
- Monsieur William Pear :
Certes, tu avais donc raison, mais seulement pour l’examen. Mes élèves ont concrétisé leur projet de composition et ils ont réellement résolu la difficulté technique qu’ils se sont eux-mêmes
promis de vaincre. L’expérience était vraiment intéressante et je crois que je renouvellerai l’expérience l’an prochain…
- Tristan : Bonjour Monsieur
Pear, comment avez-vous trouvé ma prestation de cet après-midi ?
- Monsieur William Pear :pas mal du tout. Tu t’es bien défendu avec cette étude que tu ne
t’attendais pas à jouer ! Mais ne t’inquiète pas pour ta composition. J’en ai parlé au directeur et vous pourrez tous jouer votre œuvre devant lui. Nous organiserons une grande audition de classe à laquelle
le directeur sera invité !
- Juliette : c’est vrai Monsieur Pear, le directeur veut entendre nos créations ?
- Monsieur William
Pear : Absolument. Il n’y a rien de plus sérieux. Il viendra dans notre classe et dans les autres classes aussi et il décernera à la classe la plus créative un diplôme spécial d’encouragement.
- Tristan et Juliette : génial, sensationnel. Allons vite annoncer la nouvelle aux autres !
- Monsieur Victor Trauma : Ils sont déchaînés
tes élèves !
- Monsieur William Pear : Ils sont passionnés, ce n’est pas la même chose, mon cher Victor
- Monsieur
Victor Trauma (apercevant Amélie) : Et bien Amélie. Tu vois quand tu veux ! Je savais bien que tu me racontais n’importe quoi avec cette tendinite. Juste un prétexte pour ne pas travailler. A l’approche de l’examen
tu t’es décidée et le résultat était là. (se tournant vers William Pear) On n’est jamais assez exigent avec les élèves. Il faut toujours insister, insister. Si on les écoutait, je
me demande ce qu’ils pourraient jouer à la fin de l’année…
- Monsieur William Pear : Cette jeune fille a donc souffert récemment d’une tendinite ? Que
lui as-tu conseillé ?
- Monsieur Victor Trauma : que veux-tu dire par « conseillé » ? Je ne vois pas d’autre conseil à l’approche d’un
examen que celui de mettre les bouchées doubles pour se préparer ? J’imagine que c’est pareil pour tous les professeurs. On est obligé de les motiver pour qu’ils se sentent un tant soit peu responsables de leurs
résultats.
- Monsieur William Pear : Tu dois avoir bien difficile avec ta classe. A t’entendre, j’en déduis que j’ai bien de la chance. Mes élèves ne m’ont
jamais parlé de tendinite, mais s’ils en avaient, je leur conseillerais de se reposer et de prendre un peu de recul par rapport aux activités qui sollicitent trop les mains, que ce soit leur instrument ou tout autre chose d’ailleurs.
Les ordinateurs et jeux vidéos font de plus en plus de dégâts, le gsm aussi d’ailleurs avec ces ribambelles de sms à n’en plus finir. L’as-tu remarqué toi aussi ?
-
Monsieur Victor Trauma : remarqué quoi ? Depuis des siècles, les élèves se servent d’excuses pour justifier leur manque de travail, et toi tu leur en cherches encore d’autres, c’est inouï.
(Apercevant Clovis Dujardin) Alors toi, tu es venu écouter les autres. Quel gâchis. Tu aurais pu réussir cet examen si tu avais voulu.
- Clovis Dujardin : Si j’avais
voulu, Monsieur Trauma ? Si j’avais pu, voulez-vous dire. Je suis très triste vous savez.
- Monsieur Victor Trauma : Ne commence pas ! Vois-tu mon cher collègue (dit-il
en se tournant vers William Pear), cet élève devait être le plus brillant du concours et il s’est arrêté de travailler à cause d’une tendinite. Que t’as dit le médecin exactement ?
- Clovis :…
- Monsieur William Pear : Tu ne réponds pas. Alors, qu’a-t-il dit ?
-
Clovis : de me réorienter Monsieur, que je n’étais pas fait pour ce métier.
- Monsieur William Pear : Et tu l’as écouté ? Ils n’y
connaissent rien ces médecins. Tu n’avais qu’une petite tendinite et tu en as fait toute une montagne. J’en connais moi des médecins qui conseillent à leurs patients des prises en charge paramédicales sans fin,
quand ils ne proposent pas carrément une intervention chirurgicale qui ne résout absolument pas le problème et qui conduit à une seconde, puis une troisième opération, toujours sans résultat. J’en parle
en connaissance de cause tu sais et c’est pour çà que je ne veux pas que mes élèves accordent trop d’importance à un symptôme qui n’est pas si grave sauf si on lui accorde une importance démesurée
avec une cascade de dégâts qui tournent de mal en pis…
- Clovis : C’est vrai Monsieur Trauma ce que vous me dites là ? C’est pour éviter que je me retrouve
inutilement entre les mains des chirurgiens que vous ne vouliez pas faire attention à ma tendinite ?
- Monsieur Trauma : Oui, c’est pour ça. J’ai peut-être été
trop dur, je le reconnais. Une tendinite, c’est douloureux et sans doute, comme en témoignait ta camarade Audrey, un peu de repos peut-il parfois être de bon augure…
- Audrey : on
parle de moi, il me semble… Monsieur Trauma, est-ce que j’ai bien joué ?
- Monsieur Trauma : Absolument Audrey, je suis très content de toi. Pour une étudiante
de première année, tu t’es vraiment bien défendue.
- (à ce moment arrive Amélie) Et moi, Monsieur, j’ai bien joué ?
-
Monsieur Trauma : j’avoue que tu m’as étonné. Tu ne connaissais pas une note de Stravinsky il y a trois semaines et aujourd’hui tu l’as jouée de mémoire, plutôt bien. Tu pourrais gagner
en précision mais vu le contexte, tu as sauvé ta place dans la classe !
- Amélie : Ah merci Monsieur Trauma. Sinon, j’aurais été désespérée.
Je porterai cette excellente nouvelle à mon médecin car c’est bien grâce à lui si j’ai pu présenter l’examen.
- Monsieur Trauma : Grâce à
ton médecin ? Tu exagères un peu. Il t’a soigné d’accord mais le Stravinsky, c’est quand même moi qui te l’ai appris.
- Amélie : Non Monsieur
Trauma, le Stravinsky je l’ai appris seule et sans piano grâce au Dr Solami qui a voulu protéger mon bras tout en me permettant de présenter l’examen.
- Monsieur Trauma : sans
piano, tu y vas un peu fort. Je n’accepte pas les menteuses dans ma classe. Il existe des exceptions qui peuvent se mettre au piano et jouer après deux semaines de vacances, mais ce sont des cas tout-à-fait exceptionnels. Et jouer de mémoire
en ayant étudié sans instrument, je ne te crois pas et tu aggraves ton cas en insistant.
- Amélie : pourtant, c’est vrai !
-
Monsieur Trauma : Si tu me tiens tête, c’est que tu n’as plus besoin de mes conseils. Ton parcours dans ma classe est terminé.
- Amélie : si vous me rejetez
parce que j’ai fait quelque chose d’exceptionnel, c’est une aberration…
(A ce moment arrive le directeur suivi des membres du jury pour la communication des résultats)
-
Le directeur : Tout d’abord, je tiens à féliciter chacun et chacune d’entre vous pour le travail qu’il a accompli ce trimestre. Je remercie vos professeurs qui ont veillé à vous dispenser leurs plus
précieux conseils et je tiens à vous annoncer que ceci est peut-être ma dernière allocution comme directeur du conservatoire car j’ai appris récemment ma mutation comme directeur à l’opéra de notre
capitale. (salves d’applaudissements) Je quitte l’enseignement avec ce message adressé aux jeunes, de toujours garder dans leur cœur l’enthousiasme qui les a conduits aux portes de ce conservatoire, de toujours garder
dans leur esprit le souci du « mieux possible », du « chaque jour au moins un détail de progrès », et dans leur âme, l’amour du chemin que vous avez choisi, l’amour de vous-mêmes,
malgré les épreuves, car des solutions aux obstacles que vous rencontrez, il en existe toujours et s’il n’en existe pas, mettez à l’épreuve votre créativité et inventez là, inventez là !
A vous, mes chers collègues professeurs, je vous adresse mes plus vifs encouragements à poursuivre votre mission et à transmettre à chaque élève ce dont il a personnellement besoin pour progresser au moment où
vous le rencontrez, que vous donniez à chacun le meilleur de votre savoir –faire, mais aussi l’exemple du meilleur de votre savoir-être, car dans notre monde où se fondent de plus en plus les repères, les jeunes auront
besoin que vous balisiez leur route de conseils auxquels se raccrocher lorsque l’adversité frappera à leur porte. Il serait illusoire de leur promettre un monde sans heurt. Quand ils quitteront le conservatoire, ils quitteront aussi un
cocon de sécurité même s’ils s’y sentent parfois à l’étroit. Peu importe qu’ils ne tiennent pas compte de tout ce que vous leur direz lorsque vous le leur direz, le message germera peut-être dans
beaucoup plus longtemps, lorsqu’une nouvelle épreuve se présentera et qu’ils se sentiront peut-être seuls, regrettant de ne plus avoir à leur côté une présence amie pour les conseiller, alors dans
leur mémoire surgira le message oublié, enfoui depuis longtemps et qui les aidera à faire face et à aider, peut-être, d’autres plus jeunes à leur tour… Persévérez, sans relâche, gardez
en vous l’amour de votre métier, l’amour de l’art qui fût votre passion avant qu’il ne devienne la raison d’être de votre enseignement. Souvenez-vous des paroles de vos professeurs les plus inoubliables, et
de l’importance que leur exemple a eue sur votre propre parcours. Ne lésinez pas sur votre engagement auprès de vos élèves. S’ils ont compris la céleste portée de leur art, du beau et l’altitude de
l’idéal vers lequel ils veulent tendre leur arc intérieur, alors ils ne porteront pas seulement l’art mais bien plus encore, un parfum d’humanité partout où ils se produiront ! C’est ce que je vous souhaite
à tous. Tel est mon dernier discours de directeur du conservatoire. A présent, voici les résultats : exceptionnellement cette année, nous ne désignons que les étudiants qui sont autorisés à présenter
la seconde épreuve. Vos professeurs vous communiqueront les points attribués par le jury. Ils seront d’ailleurs affichés dès cet après-midi. Je serai bref : tous les étudiants sont autorisés à
présenter la seconde épreuve à l’exception de Clovis Dujardin qui ne s’est pas présenté. Je l’invite à venir me parler. Bon après-midi à tous et bonne continuation.
Septième tableau, quelques jours plus tard, classe de Monsieur William Pear
(Monsieur William Pear, Tristan, Juliette, Amélie,
le directeur)
(C’est le jour de l’audition de classe en présence du directeur. Tristan et Juliette sont présents. Juliette termine l’audition)
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Juliette joue son étude personnelle
- Le directeur : Merci Juliette.
- Monsieur William Pear : Voilà, Monsieur le Directeur,
le résultat du travail de la classe ce trimestre.
- Le directeur : et c’est un résultat remarquable ! J’avoue que je suis un peu ému. C’est une initiative
symboliquement très éloquente du potentiel créatif qui se trouve en chacun de vous, la preuve que vous pouvez à la fois vous plier aux impératifs des examens et néanmoins vous accorder une part de liberté. J’avais
promis de décerner un diplôme spécial d’encouragement à la classe qui aurait fait montre de la plus grande originalité pédagogique. Je suis fier, Mon cher William, de vous remettre ce diplôme symbolique,
à titre d’encouragement certes, mais surtout comme gage de remerciement pour ce que vous apportez aux jeunes en sachant vous montrer accueillant à des initiatives, aussi prenantes j’en suis persuadé que peut l’être
une initiative telle que celle-là, mais qui leur donne une expérience inoubliable pour baliser leur route d’un point d’appui solide ! Merci et bravo à chacun et chacune. Persévérez ! Vous êtes
entre les mains d’un professeur qui a dans l’âme l’amour de l’enseignement et l’amour de la musique. C’est un privilège qui n’est pas accordé à tous les jeunes, cela vous donne un devoir
vis-à-vis de l’art, vis-à-vis de vos futurs élèves, mais aussi vis-à-vis de vous-mêmes : vous devez fleurir même là où le sol est rocailleux, être créatif là où
on vous impose une clôture. C’est une compétence qui vous aidera beaucoup dans votre vie et pas uniquement au conservatoire, ni même uniquement en musique. C’est aussi cela la vocation d’enseigner, donner de quoi faire
face à ce que l’élève découvrira peut-être beaucoup plus tard.
- Toc, toc, toc Amélie entre à ce moment dans la classe pendant que tous se tournent vers elle.
- Amélie : Pardon de vous déranger, Monsieur le Directeur. Votre secrétaire m’a dit que je pouvais vous trouver ici. Puis-je vous parler quelques minutes ?
-
Le directeur : bien sûr, j’allais justement retourner dans mon bureau. Viens. (Là, près de la sortie, Amélie lui explique brièvement)
- Amélie :
Monsieur le directeur, j’ai un grand problème.
- Le directeur : un grand problème ? De quoi s’agit-il ?
- Amélie :
Vous ne me croirez jamais, mais Monsieur Trauma m’a interdit sa classe.
- Le directeur : Et pourquoi donc ?
- Amélie : En fait,
c’est un peu compliqué…(…) J’ai souffert d’une tendinite il y a quelques semaines et je suis restée sans travailler pour suivre les conseils de mon médecin et puis parce que j’avais très mal
dès que je commençais à jouer…
- Le directeur : Tu m’as pourtant fait fort bonne impression à l’examen avec ton Stravinsky…
-
Amélie : Justement Monsieur le Directeur, je sais que c’est absurde mais c’est justement pour çà que Mr Trauma ne me veut plus dans sa classe !
- Le directeur :
Tu peux m’en dire un peu plus ?
- Amélie : Lorsque Mr Trauma a compris que je n’étais pas prête pour l’examen il y a trois semaines, il s’est fâché,
il ne voulait rien savoir de mon problème, il disait que je devrais quitter le conservatoire si je ne présentais pas l’examen, alors...
- Le directeur : Mais tu l’as présenté
ton examen. Il doit être très content de toi maintenant Monsieur Trauma.
- Amélie : non
- Le directeur : Ah bon ?!
- Amélie : Je lui ai dit que si j’avais pu présenter l’examen, c’est parce que mon médecin m’avait aidée, qu’il m’a encouragée à
me préparer mentalement, sans jouer, et Monsieur Trauma estime que c’est impossible, et qu’il ne veut pas d’une menteuse dans sa classe…
- Le directeur : Mmm… Et
tu as réellement appris ton étude sans jouer ?
- Amélie : oui, enfin, je veux dire surtout les deux premières semaines quand je suis allée le voir. Après,
je l’ai jouée mais directement de mémoire…
- Monsieur William Pear (s’étant approché d’Amélie et du directeur) : Excusez-moi, Monsieur le Directeur.
Je me mêle peut-être de ce qui ne me regarde pas, mais y a-t-il un empêchement à ce qu’Amélie rejoigne notre classe. Je ne vais pas chercher les élèves de mes collègues mais si Victor l’a congédiée,
elle doit se choisir un nouveau professeur… Personnellement je suis d’accord.
- Le directeur : Qu’en penses-tu Amélie ?
- Amélie :
Oh, çà me ferait vraiment plaisir Monsieur Pear.
- Le directeur : alors, c’est entendu. Je m’en vais de ce pas à mon bureau demander à ma secrétaire de
modifier ton inscription. Il faudrait juste que tu passes au secrétariat pour signer le document officiel.
- Amélie : je n’y manquerai pas Monsieur le Directeur. Merci beaucoup !
- (Le directeur quitte la classe)
- Monsieur William Pear : Et bien voilà ! Chers élèves, nous avons une nouvelle recrue dans
la classe. Je vous présente Amélie.
- Tristan et Juliette : bienvenue Amélie. Est-ce que tu veux nous jouer quelque chose, c’était notre audition de classe aujourd’hui ?
- Amélie : Volontiers … (là elle joue)
- Monsieur William Pear : mais que nous as-tu donc joué ? Je ne connais
pas ce morceau…
- Amélie : moi non plus… c’était juste une impro !
- Tristan et Juliette : Une impro…
Vous improvisez dans la classe de Monsieur Trauma ?
- Amélie : Oh non…
- (Là Monsieur William Pear arrive avec un plateau de sodas,
histoire de terminer l’audition sur un air de fête)
- Monsieur William Pear : tiens Amélie sers toi et sois la bienvenue dans notre classe. Tu connais déjà Juliette,
Tristan,…
- (et là le rideau tombe, la fin est un commencement…)
Fin
Liste des œuvres musicales à insérer :
Acte I :
- extrait d’une étude de Chopin
- extrait d’une étude de Liszt
Acte III :
- « Berceuse pour Téo » de Christel Mariën
- « Variations sur un thème caché » de Christel Mariën, extrait