« L’énigme du terrain vague »
Christel Mariën
Acte I :
Scène 1 :
Au milieu d’un terrain vague, Aloïs, savant autodidacte, tente de retirer la poussière qui recouvre une pierre bien enclavée dans le sol. Arrivent
Shéhérazade, rêveuse intrépide, et Gaston à la maladresse légendaire.
Shéhérazade – Salut Aloïs, qu’est-ce que tu fais ?
Aloïs
– J’essaie de dégager cette pierre.
Gaston – Elle a quelque chose de spécial ?
Aloïs – Je crois bien, oui. On dirait qu’il y a une inscription dessus.
Shéhérazade et Gaston approchent pour mieux voir.
Gaston – Tu as raison ! Il y a une inscription.
Shéhérazade – Et tu as de la chance, on dirait que ce
ne sont pas des hiéroglyphes mais des lettres de notre alphabet.
Gaston – Comment s’appelait-il déjà celui qui a déchiffré les hiéroglyphes ?
Shéhérazade
– Je crois me souvenir qu’il s’appelait Champollion.
Aloïs – Exactement, et la pierre qu’il a déchiffrée s’appelle la pierre de Rosette.
Gaston – Vous
en savez des choses. Champollion ou pas, j’aimerais bien réussir à lire cette inscription.
Shéhérazade – ça fait longtemps que tu es là ?
Aloïs –
Un bout de temps oui. Je ne sais plus très bien. J’ai laissé passer l’heure et on dirait que le soleil va bientôt se coucher.
Gaston – J’ai un peu d’eau dans ma besace. Si tu as un chiffon…
Aloïs – J’en avais un, mais je l’ai perdu.
Gaston – Ce n’est rien. J’ai ce qu’il faut.
Ouvrant sa besace, Gaston trébuche et le contenu du sac se disperse
sur le sol : une pomme, une orange, une lampe de poche, deux mouchoirs, une gourde, un couteau suisse et un sandwich enveloppé dans un essuie.
Shéhérazade – Tu avais prévu de faire un pique-nique ?
Gaston – Pourquoi non ? à la belle étoile, ça pourrait être cool, non ?
Shéhérazade humidifie l’un des deux mouchoirs avec l’eau de la gourde.
Shéhérazade
– Tiens Aloïs, voici un mouchoir. Peut-être que le couteau suisse pourra t’aider également ?
Aloïs – Merci Shéhérazade. Passe-moi le canif et Gaston versera un filet d’eau
directement sur la pierre.
Les trois amis s’appliquent quelques temps et au bout d’un moment…
Aloïs – Voilà ! Maintenant, le chiffon et la lampe de poche.
Shéhérazade
déchiffre l’inscription à haute voix en épelant distinctement chaque syllabe.
Shéhérazade – « Trois anneaux tu trouveras, chacun relié aux deux autres.»
Aloïs – On dirait une énigme !
Gaston – Incroyable !
Shéhérazade – Et fabuleux ! Je sens que je vais m’inventer 1001 histoires
pendant la nuit.
Aloïs – On sera toute ouïe pour les entendre, Shéhérazade ! Gaston, est-ce que tu as ton Androïd avec toi pour prendre une photo ?
Gaston –
Il a dû tomber tout-à-l’heure. Il faut que je le retrouve avant qu’il fasse nuit.
Shéhérazade – Il a dû suivre la pente et rebondir ou glisser dans cette direction. Il ne doit pas être
très loin.
Tous les trois cherchent de-ci de-là.
Aloïs – Le voici ! Regardez, l’appareil de Gaston s’est arrêté juste sur une pierre qui m’a l’air tout
aussi étrange que la première.
Gaston – Une deuxième pierre !? Désolé mon Cher Aloïs, mais pour cette pierre-là, nous reviendrons demain !
Aloïs
– OK, OK. Tu veux bien prendre la photo de la première pierre ?
Gaston – Voilà qui est fait.
Shéhérazade – Rentrons à présent, nous reviendrons
demain.
Aloïs – Quel jour de la semaine sera-t-on demain ?
Gaston – Lundi.
Aloïs – Alors ce sera pour le week-end prochain.
Shéhérazade
– Voyons Aloïs, tu oublies que ce sont les vacances qui commencent.
Aloïs – Ah oui, c’est vrai ! Merci de me le rappeler, Shéhérazade. Retrouvons nous ici demain. Ce soir, j’ai du
travail. Je vais surfer sur le web et voir si je trouve quelque chose au sujet de ces trois anneaux.
Gaston – Parfait. Ciao Aloïs et Shézy ! Je vous envoie la photo et j’apporte le pique-nique demain
midi.
Shéhérazade – Merci Gaston! Bonne soirée Aloïs! À demain !
Scène
2
Il fait nuit. Trois lumières illuminent tour à tour, au fil de leurs interventions, chacun des trois amis situés en bord de scène. Aloïs et Gaston sont chacun chez eux sur leur ordi. Sheherazade rêve
toute éveillée, allongée sur son lit.
Shéhérazade – « Trois anneaux tu trouveras… » Aucun doute, il s’agit bien d’une énigme.
Ding,
Ding, Dong
Gaston – Allo, Shéhérazade, c’est Gaston! Je viens de t’envoyer la photo.
Shéhérazade – C’est très gentil, Gaston. Tu ne trouves pas
ça un peu étrange : une énigme d’un autre temps qui surgit dans nos vies au cœur du XXIème siècle ?
Gaston – Non, gente dame. Le Moyen-âge a laissé de nombreux
vestiges. À nous de découvrir ce que sont ces trois anneaux et de donner du sens à la découverte d’Aloïs.
Shéhérazade – Tu crois que cela remonte au Moyen-Âge ? Je
nous imagine déjà tous les trois, chevauchant nos montures, à la recherche des trois anneaux qui une fois réunis symboliseront à jamais notre amitié légendaire !
Gaston – Oui,
Shéhérazade, il y a de quoi rêver en effet. Vivement demain !
Shéhérazade – Pourvu qu’Aloïs puisse nous en apprendre davantage sur le mystère des trois anneaux.
Gaston
– Et que nous puissions déchiffrer le message de la deuxième pierre ! Shéhérazade, est-ce que cela te va si j’apporte de la pizza pour le pique-nique ?
Shéhérazade –
C’est exactement ce dont j’avais envie. Merci Gaston. À demain!
Ding, Ding, Dong
Aloïs – Allo, Shéhérazade, c’est Aloïs ! J’ai commencé mes recherches sur
les trois anneaux, et tu ne devineras jamais ce que j’ai découvert.
Shéhérazade – Je suis toute ouïe, Aloïs.
Aloïs – La plus ancienne source que j’ai
pu trouver remonte à l’Antiquité. Depuis lors, à travers les siècles, les « trois anneaux réunis » symbolisent l’unité car ils ne sont solidaires qu’à trois. Si l’un
se détache, les deux autres ne sont plus liés.
Shéhérazade – Si l’un se détache, les autres ne sont plus liés …
Aloïs – Oui… Lorsque
nous aurons trouvé les trois anneaux, nous comprendrons peut-être mieux.
Shéhérazade – Cela me fait penser à notre amitié à tous les trois, ou alors à notre devise nationale :
l’union fait la force !
Aloïs – Oui. Ce qui semble certain, c’est qu’il s’agit d’un symbole.
Shéhérazade – Cela me rappelle un exercice
que notre institutrice de deuxième maternelle nous avait proposé. Elle avait dessiné trois grands cercles, et avait disposé pêle-mêle des cartons sur lesquels étaient représentés différents
motifs. Dans le premier cercle, nous devions placer les carrés, dans le deuxième les motifs rouges, et dans le troisième, les motifs qui étaient petits.
Aloïs – Et j’imagine qu’il y
avait des petits carrés et des grands carrés…
Shéhérazade – Oui, mais il y avait aussi des triangles, grands ou petits, verts ou rouges, etc. Cela m’avait beaucoup plu ! Je crois même
que c’est moi qui avais placé le petit carré rouge juste au milieu.
Aloïs – Tu m’étonnes !
Shéhérazade – Excuse-moi, tu m’as replongée
malgré moi au cœur d’un souvenir.
Aloïs – Ce n’est rien Shéhérazade. Je suis heureux que tu m’aies partagé ce souvenir. Demain, nous reparlerons de tout cela. Je vais continuer
à chercher. Bye !
Shéhérazade – Bye !
Cette fois, c’est du téléphone de Gaston que s’élève une musique d’appel.
Aloïs
– Allo Gaston, c’est Aloïs.
Gaston – Salut Aloïs. Toi non plus, tu ne dors pas ?
Aloïs – Comment le pourrais-je ? Nous voilà embarqués dans une histoire
que je suis heureux de partager avec toi et Shéhérazade.
Gaston – Nous t’aiderons de notre mieux à trouver les sens de cette énigme, Aloïs, moi malgré mes maladresses, et Shéhérazade
avec toute son imagination.
Aloïs – Vous êtes des amis formidables ! Et question maladresse, si ton portable n’était pas tombé, nous n’aurions pas trouvé la deuxième pierre.
Gaston – Patience, Aloïs. Demain est un autre jour. Allons nous reposer et retrouvons-nous demain près de la première pierre.
Aloïs – Merci Gaston. Et merci aussi pour la
photo ! Je l’ai enregistrée dans plusieurs fichiers pour être certain de ne pas la perdre.
Gaston – Tu m’étonnes ! Bye, Aloïs, à demain !
Aloïs
– Bye !
Scène 3
Aloïs, Gaston et Shéhérazade se dirigent vers le terrain vague (centre de la scène). Leurs lumières les accompagnent.
Une fois sur le terrain, les spots s’éteignent et le jour se lève sur le terrain vague.
Gaston – Salut les amis, vous avez bien dormi ?
Aloïs – J’ai passé
la nuit sur mon ordi et me suis réveillé ce matin la tête sur le clavier. Je ne me rappelle plus pourquoi je n’étais pas dans mon lit.
Shéhérazade – Tu ne te rappelles plus !
Pourtant tu es bien venu ici ce matin… Tu nous fais une blague ?!
Aloïs – Ah, ah, … avouez que vous avez eu un doute ! Il n’empêche, à mon réveil, je ne savais plus où
j’étais. J’ai rapidement retrouvé la mémoire en voyant mon écran et les notes que j’avais prises.
Gaston – Tu as de la chance : je me suis rappelé que j’apportais
de la pizza pour le pique-nique ! Je dépose le sac à l’ombre de ce bosquet et je me mets directement au travail.
Gaston s’agenouille près de la deuxième pierre, Aloïs près de la première.
Shéhérazade – Aloïs, as-tu découvert de nouveaux indices sur ton ordinateur cette nuit ?
Aloïs – Oui, figurez-vous que l’entrelacs de trois anneaux est un symbole
qui traverse les époques et les cultures.
Shéhérazade – Les époques et les cultures ?
Aloïs – Oui. En tant que symbole d’unité, il se retrouve dans
l’art décoratif aussi bien byzantin que nordique. Sa plus ancienne représentation célèbre date du IIIème siècle et est conservée dans la basilique de la nativité à Bethléem. Il s’agit
d’une mosaïque.
Gaston – Le IIIème siècle ? à ce point-là ?
Aloïs – Oui et ce n’est pas tout. On le retrouve sur des poteries iraniennes
du Xème siècle ou encore sur des représentations égyptiennes du XVème siècle, aussi bien dans l’art chrétien que dans l’islam, dans le religieux comme dans le profane, du nord au sud et d’est
en ouest.
Shéhérazade – Tu parlais aussi des pays nordiques ?
Aloïs – Oui, il semble que les Vikings en ont adopté une version à base d’anneaux triangulaires.
Gaston – De mon côté, en surfant un peu hier soir, j’ai trouvé une représentation de la Trinité dans un manuscrit du XIIIème siècle.
Shéhérazade
– Moi j’ai lu qu’il était l’emblème héraldique d’une famille princière de la Renaissance, la famille Borromée, et que depuis, l’entrelacs de trois anneaux est appelé « nœud
borroméen ».
Aloïs – Oui, j’ai lu cela aussi. J’ai même trouvé un modèle du psychisme humain qui parle d’un double-nœud : trois anneaux au cœur de trois
anneaux, comme un kaléidoscope à l’infini.
Shéhérazade – Si je comprends bien, les trois anneaux que nous devons trouver - d’après ce qui est écrit sur la pierre - peuvent
se trouver n’importe où à travers le monde… Et peut-être même que nous les trouverons dans un livre ? Comment les imaginez-vous ?
Gaston – Moi je crois que nous devons d’abord
déchiffrer la deuxième pierre.
Aloïs – Tu as peut-être raison Gaston, mais nous ne sommes pas encore certains que cette pierre-là nous offrira un deuxième indice.
Aloïs,
Gaston et Shéhérazade se mettent au travail.
Shéhérazade – Je ne vois rien. Il n’y a rien d’écrit sur cette pierre ! Elle est toute plate et lisse, comme les pierres des
rivières lissées par l’eau au fil du temps.
Aloïs – Oui, de ce côté-là en effet…
Gaston – On dirait qu’il s’agit d’une tablette
de pierre. Peut-être pourrait-on la retourner ?
Shéhérazade – Oh Gaston si tu pouvais avoir raison !
Aloïs – Allons-y doucement !
Les trois amis
retournent délicatement la tablette.
Aloïs – Incroyable, on dirait bien que tu as raison, Gaston ! Faisons comme hier avec l’eau et le chiffon.
Gaston – Je vais chercher
la gourde. Aie, aie, aie, j’ai encore trébuché.
Shéhérazade – Trébuché ? Sur quoi ?
Gaston – Sur cette pierre qui est là. Le terrain
est très rocailleux… Voici l’eau et le chiffon Aloïs.
Aloïs – Tu peux verser l’eau sur la pierre, exactement comme hier. (…) Maintenant le chiffon, et…
Les trois amis
se regardent car il y a bien une inscription.
Shéhérazade – « Au cœur des trois anneaux, une énigme tu trouveras. »
Gaston – Une énigme
tu trouveras ! Et pourquoi pas plutôt un trésor ?
Aloïs – Une énigme au cœur d’une autre énigme. Voilà qui devient palpitant.
Shéhérazade
– Une énigme… un trésor… et pourquoi pas une énigme qui serait un trésor, ou plutôt un trésor qui serait une énigme, selon que l’on regarde le problème à l’endroit
ou à l’envers ?
Aloïs – Oui Shéhérazade, tu as raison. Le deuxième message était d’ailleurs délivré sur le revers de la deuxième pierre…
Gaston – Venez manger à présent ! Tout ce labeur m’a ouvert l’estomac.
Aloïs – On arrive Gaston.
Shéhérazade – Nous voilà !
Acte II
Scène 1
Aloïs, Gaston et Shéhérazade sont sur
une île du lac Majeur en Italie. Ils ont décidé d’explorer les alentours du château de la famille Borromée.
Aloïs – Question voyage, c’est une super idée ce voyage
en Italie, Shéhérazade !
Gaston – Je partage ton avis. Mais question énigme, avez-vous une idée de quoi chercher et où chercher ?
Shéhérazade –
Pour le quoi chercher, nous cherchons trois anneaux. Pour le où chercher, tu soulèves une nouvelle énigme.
Aloïs – Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? Tel est l’enjeu
de cette recherche.
Shéhérazade – Pour la question du quand, ce sera maintenant même si cette énigme semble inscrite à travers les siècles !
Gaston –
Pour la question du comment, je propose de d’abord faire un repérage de l’île.
Aloïs – Très bien. Quant à la question du pourquoi, notre curiosité y est pour beaucoup…
Shéhérazade – Sans aucun doute mais je me demande quand même quel est le sens de cette énigme.
Gaston – Nous verrons bien. Avanti, maintenant.
Aloïs,
Gaston et Shéhérazade explorent, regardent vers le haut, vers le bas, ou bien avec les jumelles, en touchant les troncs, les surfaces, etc. Aloïs sort de sa poche une carte de géographie.
Shéhérazade
– Je me suis peut-être trompée. Nous aurions peut-être dû aller à Bethléem puisque c’est là que se trouve la représentation la plus ancienne connue.
Aloïs –
Peut-être mais peut-être pas… Les Borromée ont dû effectuer cette recherche avant nous… Et leur château se trouve sur cette île. Je crois que ton intuition nous conduira vers d’autres indices.
Gaston
– Récapitulons. Deux messages : l’un au verso d’une pierre, l’autre au recto. Trois anneaux, symbole d’unité, qui peuvent se trouver n’importe où. Si on les trouve, le trésor est
une énigme à résoudre.
Shéhérazade – Ou l’énigme sera notre trésor…
Scène 2
Fondu au noir sur la scène (l’île). Aloïs, Gaston et Shéhérazade sont en périphérie de scène, chacun dans leurs sacs de couchage à la belle étoile.
Un spot de lumière éclaire chacun d’eux.
Shéhérazade – Il y a aussi les anneaux de Saturne…
Gaston – Les anneaux de mariages…
Aloïs
– Les anneaux de la salle du gymnase
Shéhérazade – Et les cerceaux des gymnastes
Gaston – Les anneaux olympiques tout simplement
Aloïs –
Oui mais ils sont cinq pour les cinq continents
Shéhérazade – Alors trois, ce serait pour…
Gaston – Les trois dimensions de l’espace ? Longueur, hauteur, largeur.
Aloïs – Les trois dimensions du temps ? Passé, présent, futur.
Shéhérazade – Les trois composantes humaines ? le corps, l’âme, l’esprit.
Gaston – Avez-vous déjà songé que la terre est la troisième planète du système solaire ? Mercure, Vénus, Terre…
Aloïs – Bien trouvé
Gaston. Oui, les planètes évoluent sur des orbites elliptiques autour du soleil qui ressemblent à des anneaux.
Shéhérazade – à propos de soleil, en Égypte, il y a trois pyramides.
Gaston – Et à Montpellier, il y a trois Grâces à la fontaine devant le théâtre.
Aloïs – Tu y es déjà allé ?
Gaston
– Oui. Et toi Shéhérazade, tu es déjà allée en Égypte ?
Shéhérazade – Non.
Aloïs – J’ai lu dans un livre qu’un certain
Jacques Lacan avait utilisé les trois anneaux comme symbole du réel, de l’imaginaire et du symbolique.
Gaston – Tu peux expliquer ? Je n’ai rien compris. Et toi Shéhérazade ?
Shéhérazade – J’imagine que c’est un peu là où nous en sommes en ce moment. Ce qu’on imagine n’est pas forcément réel.
Aloïs – Oui
et ce qui ne se voit pas est souvent représenté par un symbole, comme un cœur pour l’amour par exemple.
Gaston – Faites de beaux rêves !
Shéhérazade –
Bonne nuit Gaston et Aloïs !
Aloïs – Bonne nuit !
Fondu au noir.
Scène 3
Le jour se lève.
Aloïs, Gaston et Shéhérazade rangent leurs sacs de couchage.
Shéhérazade – J’ai rêvé de trois Grâces qui dansaient autour d’une fontaine.
Gaston
– Moi, j’ai rêvé que nous étions chacun téléporté dans une sphère sur le fil du temps.
Shéhérazade – Et toi, Aloïs ? Tu te souviens de
ton rêve ?
Aloïs – Oui. J’ai rêvé d’un bibelot qui se trouvait sur la cheminée lorsque j’étais enfant.
Gaston – Quel genre de bibelot ?
Aloïs – Une boule à neige avec trois cœurs à l’intérieur. Maman y tenait beaucoup. Elle disait qu’il lui faisait penser à elle, papa et moi.
Shéhérazade
– Ce devait être très joli.
Aloïs – Je me demande ce qu’elle a bien pu devenir au fil de nos déménagements.
Shéhérazade – Je me demande si
nous ne devrions pas rentrer. Peut-être est-il là le trésor que nous cherchons.
Aloïs – Tu veux dire dans la boule à neige avec les trois cœurs ?
Shéhérazade
– Je veux dire chez nous, comme pour l’oiseau bleu de Maeterlinck.
Gaston – Shéhérazade a raison Aloïs. Rentrons, et si tu es d’accord, nous fouillerons de la cave au grenier pour retrouver
ce trésor de ton passé.
Aloïs – Très bien. Si vous êtes tous les deux décidés à rentrer, je prépare ma valise.
Aloïs, Gaston et Shéhérazade
préparent leurs sacs à dos et se mettent en marche sur l’île jusqu’à l’embarcadère. Arrivés sur le bord du lac, ils s’arrêtent et se regardent ébahis.
Gaston
– Tu vois ce que je vois, Aloïs ?
Aloïs – On dirait bien que…
Shéhérazade – Mais oui ! ça y est ! On a trouvé !
Lumière sur un bateau arrimé à quai du nom de « ENIGMA ». Gaston s’affaire autour de l’anneau d’arrimage. Shéhérazade danse de joie. Aloïs s’éloigne pour s’enquérir
de la location du bateau.
Gaston – Shéhérazade, viens voir ! Regarde cet anneau d’arrimage.
Shéhérazade – De ce côté-ci, il y en a un autre.
Gaston – Et de ce côté-là aussi !
Shéhérazade – Enigma se trouve donc bien au milieu des trois…
Gaston – Voilà
Aloïs qui revient !
Aloïs – J’ai loué le bateau pour la journée. Ça vous dit une petite croisière sur le lac.
Shéhérazade – Oui !
Gaston – Absolument !
Aloïs, Gaston et Shéhérazade montent à bord.
Shéhérazade – C’est fantastique !
Aloïs reste
pensif sans participer à l’euphorie de ses amis.
Gaston – Quelque chose te chiffonne, Aloïs ?
Aloïs – Oui. Nous avons trouvé Enigma arrimé
au deuxième des trois anneaux sur la berge. Cela correspond au message de la deuxième pierre. Il n’empêche que les trois anneaux n’étaient pas liés l’un à l’autre comme le suggérait le
message de la première pierre.
Shéhérazade – Tu as raison. Il n’empêche, je suis convaincue que nous sommes sur la bonne voie. Et puis, savourons cet agréable moment !
Au
bout d’un moment…
Gaston – Regardez ce que j’ai trouvé dans cette malle : une carte singulière qui est tombée d’un livre.
Shéhérazade
– On dirait… mais oui, on dirait que quelqu’un a tracé trois cercles sur la carte, comme pour se repérer…
Aloïs – Attendez, j’ai vu cette technique de repérage dans un
film policier. Ce qu’il nous faut trouver, c’est à quoi correspond le centre de chaque cercle et puis les intersections.
Gaston – Le centre des cercles ?
Shéhérazade
– Les noms des lieux sont tous étranges. Au centre du premier cercle, il y a un jardin appelé Poetika.
Aloïs – Un jardin… Cela me rappelle quelque chose.
Shéhérazade
– Très drôle Aloïs. Nous venons de passer trois jours sur une île magnifique aux fleurs multicolores. Je veux bien croire que cela te rappelle quelque chose ! Peut-être sommes-nous dans le jardin de Poetika.
Gaston – Je suis assez d’accord avec Shéhérazade. Nous avons tellement fait attention à l’architecture, aux balustrades, aux statues, aux marches d’escaliers…
Shéhérazade
- … que nous n’avons peut-être pas assez regardé les fleurs et la beauté des jardins…
Gaston – Si nous venons d’explorer malgré nous le premier cercle : celui
de la poésie des couleurs, pourquoi ne pas nous rendre au centre du deuxième cercle ?
Aloïs – Qu’y a-t-il à cet endroit, Gaston ?
Gaston – Une montagne. Sur
la carte, elle s’appelle Adversiti Monte.
Shéhérazade – Adversiti Monte ? C’est un nom curieux pour une montagne.
Aloïs – Elle doit certainement
être très difficile à gravir et être remplie d’embûches à surmonter…
Gaston – Un peu comme la vie, en quelque sorte…
Aloïs – Tu as raison
Gaston un peu comme la vie.
Shéhérazade – Si le jardin de cette île magnifique correspond à Poetika sur cette ancienne carte, à quelle montagne pourrait correspondre Adversiti Monte ?
Gaston – Nous n’y sommes pas allés, mais j’ai aperçu un funiculaire qui conduit à un point très élevé pour admirer le panorama.
Shéhérazade
– Regardez, entre Poetika et la montagne, on dirait qu’il y a une vallée avec un petit pont de chaque côté : le pont des soupirs vers la montagne et le pont du dire vers Poetika. Quant à la vallée, elle
s’appelle… la vallée de la quête de sens.
Gaston – Ah ben ça alors… Pour une énigme…
Aloïs – Voyons le troisième cercle à
présent. Il correspond à … Regardez. On dirait notre terrain vague !
Shéhérazade – Mais oui, il s’agit bien de notre terrain vague.
Gaston – Je ne l’aurais
pas mieux dessiné. Je confirme. C’est vraiment notre terrain vague. Le plus étonnant c’est qu’il semble séparé de Poetika par une petite rivière sur laquelle plusieurs embarcations sont dessinées.
Shéhérazade – Oui, et il y a aussi un pont qui s’appelle… le pont suspendu.
Gaston – Et entre notre terrain vague et la montagne, qu’y a-t-il ?
Aloïs
– On dirait qu’il y a une arène comme dans la Rome Antique.
Gaston – Un terrain de combat ?
Shéhérazade – On dirait bien oui… Je préfère
Poetika et son pont des soupirs.
Gaston – Moi je préfère les épreuves à braver de la montagne - Adversiti Monte - quitte à trébucher de temps en temps. Et toi Aloïs ?
Aloïs – Moi j’aime bien notre terrain vague et son pont suspendu.
Gaston – Qu’est-ce que tout cela peut bien vouloir dire ?
Shéhérazade –
Il s’agit d’une carte imaginaire !
Aloïs – Ce qui est certain c’est que nous avons trouvé notre énigme ! Et cela grâce à trois cercles, tracés au compas, sur une
carte tombée d’un livre, trouvé dans une vieille malle, à bord d’un bateau qui s’appelle Enigma, et qui était arrimé au milieu de trois anneaux comme s’il nous attendait.
Shéhérazade
– Et qu’y a-t-il au centre des trois cercles finalement ?
Aloïs – Attends, je prends la loupe car c’est vraiment tout petit. Regarde toi, Shéhérazade !
Shéhérazade
– On dirait qu’il y a juste un sigle : un encadré « vous êtes ici » et… le sigle des trois anneaux, qui nous renvoie vers la légende de la carte.
Gaston – La légende
de la carte devrait se trouver… Oh non ! La page est déchirée ! Je l’ai peut-être accrochée en la retirant de la malle.
Gaston retourne voir dans la malle.
Gaston –
Oui, quelle chance ! Ce bout de papier déchiré ressemble bien à la légende qu’il nous faut !
Aloïs – Effectivement, la déchirure du papier correspond parfaitement.
Shéhérazade
– Voyons voir. Le sigle des trois anneaux correspond à … « Cadenza. Carrefour de tous les possibles entre passé, présent et futur.»
Aloïs – Nous sommes ici…
à Cadenza … Mais oui, bien sûr ! Cadenza, comme une cadence !
Gaston – Tu peux nous expliquer ce qu’est une cadence, Aloïs ?
Aloïs – Une cadence,
en musique, c’est un temps d’improvisation, un moment où le musicien peut improviser, inventer, créer,…
Gaston – Le musicien peut vraiment jouer n’importe quoi.
Aloïs
– Pas tout-à-fait. Il doit s’inspirer des thèmes de l’œuvre qu’il est en train d’interpréter, évidemment…
Shéhérazade – Je comprends
mieux, à présent, c’était donc ça l’énigme, le trésor. Où que nous soyons sur terre, nous sommes toujours ici, à Cadenza, dans l’espace-temps de tous les possibles…
Aloïs,
Gaston et Shéhérazade s’embrassent et se congratulent.
Aloïs, Gaston, Shéhérazade – On a trouvé ! On a réussi !
Euphoriques, tous trois continuent
à s’exclamer :
Aloïs – Nous sommes ici ! à Cadenza !
Gaston – Entre passé, présent et futur !
Shéhérazade
– Au carrefour de tous les possibles ! Entre la poésie, les épreuves, et notre petit monde.
Aloïs – C’est prodigieux !
Gaston – Tu l’as dit Aloïs :
prodigieux !
Aloïs – Maintenant, nous pouvons vraiment visiter les jardins, la montagne, voguer sur le lac et puis ensuite, nous rentrerons chez nous avec ce beau trésor qui ne nous quittera jamais !
Shéhérazade – et qui se multipliera, chaque fois que nous le partagerons…
Gaston – une infinité de possibles sont entre nos mains
Aloïs –
et tout ça, au départ d’une pierre recouverte de poussières…
Shéhérazade – au départ d’un message transmis à travers les siècles…
Gaston
– au départ d’une amitié entre trois amis inséparables. Hip, hip, hip
Gaston, Aloïs, Shéhérazade – Hourra!